Observer ses poissons et apprendre à les connaître fait partie des plaisirs intimes de l’aquariophilie. Mais lorsqu’il s’agit de déterminer leur sexe, les choses peuvent rapidement se corser. Que vous souhaitiez constituer un couple reproducteur, éviter les conflits ou simplement par curiosité, savoir faire la différence entre un mâle et une femelle est une compétence précieuse.
Le souci ? Les différences sexuelles, appelées dimorphismes sexuels, ne sont pas toujours évidentes. Elles varient non seulement d’une espèce à l’autre, mais aussi selon l’âge, le stade de dominance ou encore les conditions de maintenance. Dans cet article, je vous propose un tour d’horizon des signes distinctifs chez plusieurs espèces populaires en aquarium d’eau douce et eau de mer, ainsi que des conseils pratiques pour les identifier avec justesse.
Pourquoi chercher à différencier mâles et femelles ?
Il y a plusieurs bonnes raisons à vouloir distinguer les sexes chez vos poissons :
- Reproduction sélective : Cela paraît évident, mais pour espérer une descendance, encore faut-il avoir un mâle et une femelle compatibles.
- Équilibre social : Certaines espèces sont plus agressives entre mâles. Les identifier permet d’éviter les conflits inutiles.
- Observation et comportement : Le comportement des poissons peut varier selon le sexe. Comprendre qui est qui aide à mieux les observer.
Passons maintenant à la pratique, avec les signes distinctifs chez différentes espèces phares de nos aquariums.
Les guppys (Poecilia reticulata)
Les guppys font partie des espèces les plus faciles à sexer, même pour un œil débutant. Les différences sont visibles dès quelques semaines de vie.
- Taille et coloration : Les mâles sont plus petits, plus élancés et bien plus colorés que les femelles, souvent discrètes et plus robustes.
- Forme de la nageoire anale : Le mâle possède un gonopode, nageoire modifiée en tube conique utilisé pour la reproduction. La femelle, elle, a une nageoire anale en éventail.
- Tache gravidique : Chez la femelle, une tache sombre (la tache gravidique) apparaît à l’arrière de l’abdomen, signe de l’activité ovarienne voire de gestation.
Astuce : Si vous voyez une petite boule colorée avec de longues nageoires poursuivre tous les autres poissons, il y a de fortes chances que ce soit un mâle guppy en période de parade.
Les néons (Paracheirodon innesi)
Avec leurs lignes bleutées, ils fascinent… mais distinguer mâle et femelle est un vrai défi visuel.
- Forme du corps : Les femelles sont souvent un peu plus rondes, surtout au niveau de l’abdomen.
- Ligne bleue horizontale : Subtil, mais observable : la ligne bleue des mâles est bien droite, alors qu’elle prend une légère courbure chez la femelle à cause du ventre plus rebondi.
On ne va pas se mentir, ce distinguo reste compliqué à l’œil nu si on n’observe pas ses poissons fréquemment.
Les cichlidés (exemples : Apistogramma, Malawi, Discus)
Chaque groupe de cichlidés a ses propres subtilités, mais on peut tout de même dégager quelques lignes directrices.
- Coloration et dominance : Chez beaucoup d’espèces, les mâles arborent des couleurs plus vives, en particulier lorsqu’ils dominent un territoire ou cherchent à se reproduire.
- Forme de la nageoire dorsale : Elle est souvent plus allongée et pointue chez les mâles.
- Comportement territorial : Les mâles sont plus souvent territoriaux et agressifs, surtout en période de reproduction.
- Tube génital : Chez certaines espèces comme les Discus, l’orifice génital diffère : plus fin et pointu chez le mâle, plus arrondi et large chez la femelle.
Attention : dans un groupe, les femelles peuvent adopter un comportement dominant et présenter des couleurs plus vives, surtout en l’absence de mâle — ne vous fiez donc pas uniquement à la couleur.
Les bettas (Betta splendens)
Les bettas mâles sont réputés pour leur agressivité, mais aussi leur élégance. Distinguer les sexes est assez simple :
- Nageoires et couleurs : Le mâle a de longues nageoires fluides (surtout chez les variétés de sélection), des couleurs très vives, et une attitude très théâtrale. La femelle a des nageoires plus courtes et une robe nettement plus sobre.
- Taille du corps : Globalement, les femelles sont plus petites et trapues.
- Bouton ovarien : Derrière les nageoires pelviennes, on peut voir une petite tache blanche chez la femelle mature, appelée « ovipositeur ».
Ne vous fiez pas uniquement à l’isolement en animalerie : certains éleveurs séparent les femelles colorées qui pourraient passer pour des mâles.
Les platys et mollys (Poecilia spp.)
Ces vivipares, cousins des guppys, présentent des caractéristiques similaires en matière de différenciation sexuelle.
- Gonopode chez le mâle : Tout comme chez les guppys, la nageoire anale est modifiée en structure tubulaire.
- Femelles plus massives : Elles ont un abdomen plus rond, souvent plus imposant.
- Tache gravidique visible : En cas de gestation, on peut observer la tache sombre typique des femelles porteuses.
Facile à repérer, même pour les novices, avec un peu d’observation et une bonne lumière d’aquarium.
Les poissons-clowns (Amphiprion ocellaris)
Voici une espèce qui chamboule un peu tout ce qu’on vient de dire. Chez les poissons-clowns, tous naissent mâles. Le plus grand devient femelle si besoin. Oui, vous avez bien lu.
- Hiérarchie sociale : Le plus grand spécimen du groupe est presque toujours la femelle dominante.
- Mâle plus petit : Le mâle reproducteur est plus petit que la femelle, et se place juste en-dessous dans la hiérarchie.
- Changement sexuel : Si la femelle meurt, le mâle dominant peut devenir femelle. Un nouvel arrivant prendra sa place de mâle.
Donc ici, on parle de sexe socialement déterminé plutôt que génétique. Passionnant, non ?
Les crevettes d’aquarium (Caridina, Neocaridina)
Les crevettes aussi peuvent être sexées, même si cela requiert parfois une observation attentive.
- Taille et morphologie : Les femelles sont souvent plus grandes, avec une carapace plus bombée sur l’abdomen.
- Selle ovarienne : Chez les Caridina et Neocaridina, une « selle » jaune ou verte apparaît derrière la tête, signe de présence d’œufs dans les ovaires — uniquement visible chez les femelles, bien sûr.
- Comportement : Les femelles gravides sont plus discrètes, souvent en train de ventiler leurs œufs sous leur abdomen.
Un bon éclairage et une loupe peuvent faire une vraie différence ici.
Conseils généraux pour apprendre à sexer ses poissons
Apprendre à reconnaître les mâles et femelles demande un peu d’expérience, mais voici quelques repères pour vous faciliter la tâche :
- Observer fréquemment : Plus vous connaissez le comportement de vos poissons, plus les petits détails deviennent « évidents ».
- Comparer les individus : Le dimorphisme sexuel est relatif. Comparez toujours plusieurs poissons entre eux.
- Documentez-vous par espèce : Chaque espèce a ses propres critères. N’hésitez pas à consulter des fiches spécifiques ou demander à des éleveurs.
- Patience : Les juvéniles ne révèlent pas toujours leur sexe immédiatement. Il faut parfois attendre la maturité.
Enfin, rappelez-vous qu’il n’est pas nécessaire de connaître instantanément le sexe de tous vos poissons. Ce savoir s’aiguise avec le temps, les erreurs, et surtout la passion. Et parfois, même les experts se trompent — alors autant le prendre avec philosophie… et curiosité !